Plaie relayée par tous les ouvrages et autres formations sur le leadership, le Dirigeant est attendu sur sa capacité à décider.
Pour sereinement assumer votre rôle de décideur sans avoir à décider, voici quelques techniques glanées sur le terrain des opérations (Au cas où, lire la note en fin d’article …)
Un fâcheux vous soumet une problématique :
1- Ecoutez-le longuement (temps) puis informez-le que vous êtes attendu à une réunion (inutile de préciser « importante réunion » avec votre statut, c’est tellement évident) et surtout, qu’au vu du vif intérêt que vous portez au sujet (intrus compris), il ne serait pas raisonnable de traiter ce problème entre deux portes. Qu’il n’hésite pas, s’il le souhaite, à se rapprocher de votre assistante pour planifier un rendez-vous.
La chance que vous avez offerte au fâcheux de s’exprimer et le temps que vous lui avez consenti suffiront, pour certains, à clôturer le débat, sinon rendez-vous à l’étape 2.
2- Au cours d’un entretien judicieusement calé aux extrémités de votre agenda surchargé, demandez-lui de vous résumer sa demande (le temps a passé et s’il pouvait encore passer avant que vous n’ayez à prendre une décision…).
Ecoutez-le avec attention (temps). Par souci de bonne compréhension, posez-lui toutes les questions d’éclaircissement qui traversent votre fulgurant esprit analytique (temps). Pour élever le débat (et tenter de rehausser le niveau de réflexion de l’intrus), n’hésitez pas à illustrer vos propos de savantes élucubrations (temps).
Si malgré tous vos efforts, vous sentez que l’importun n’a pas renoncé à vous pousser à la décision, demandez-lui, avec un vrai grand sourire d’encouragement, de vous rédiger une note, détaillée, argumentée et plus même sans affinités.
Avec cette technique, le pourcentage d’élimination des fâcheux n’a rien à envier à la grippe espagnole, mais si (avec ou sans ballon rond) par un malheureux hasard votre fâcheux se découvrait des talents rédactionnels, revenez aux basiques de l’étape 3.
3- Tactiques usuelles de digression à votre portée (ou sur commande auprès de nos services si vous êtes à court d’imagination) : sa note s’est noyée dans le flot de vos mails (évitez de suggérer qu’elle se puisse s’être égarée parmi vos indésirables), demandez des compléments, des précisions, exigez une nouvelle note qui prenne en compte un nouvel élément sorti du chapeau (en même temps que le lapin, ça c’est pour Elodie), fixez de nouveaux rendez-vous sur votre agenda édité par la « Maison Calendes Grecques »…
Dans certains cas extrêmes (pour ne pas dire extrémistes), il arrive que sournoisement le fâcheux fédère d’autres fâcheux (ils doivent émettre des phéromones déviantes pour se reconnaître).
Laissez le lait sur le feu, faites-le mousser sans débordement (sauf si vous souhaitez que votre DRH s’épanouisse dans un projet personnel).
Si l’anti-monte-lait tambourine trop fortement, passez à l’étape 4.
4- Éteignez-le feu en décrétant que vous avez pris La Décision… La Décision de réaliser un diagnostic.
La situation étant complexe, les enjeux importants, étant vous-même un homme du consensus, demandez à votre Codir d’en rédiger le cahier des charges (puissance 10 sur l’échelle temps sans compter le compte épargne-temps dont vous disposez si vous relevez du Code des Marchés Publics…)
De réunions en réunions, choisissez le consultant, le périmètre et le planning d’intervention (Ah c’est ballot, déjà les congés d’été)
Choix du consultant : Choisir un intervenant qui aura à cœur de vous faire plaisir, en contrepartie de quoi, vous l’assurerez (en toute intégrité bien sûr) de durer (en jargon professionnel : récurrence de facturation)
Si malgré toutes les précautions prises, ce satané consultant venait à préconiser des décisions que vous n’avez aucune envie de prendre (le changement c’est comme le cancer, c’est pour les autres), montrez à quel point la pertinence de ses recommandations vous enthousiasme. Multipliez les réunions de restitution (temps) et autres engagements d’action … avec pour échéance salvatrice les prochains congés estivaux (Ah c’est vraiment ballot).
Les vacances, les sujets chauds de la rentrée, le temps s’étant (malheureusement) écoulé modifiant la donne de départ, rapprochez-vous (en tout bien tout honneur) de Pénélope. Sortez votre métier à tisser l’action de « non-décision » : Relancez un nouveau diagnostic avec un nouveau consultant…. Vous savez maintenant comment le choisir !
Note de l’auteur : Dans la lignée de la pensée de Pierre Desproges « On peut rire de tout mais pas avec tout le monde», cet article s’adresse exclusivement aux lecteurs adeptes de la dérision et de l’auto-dérision 🙂