Génération Y : Un remix du Chêne et du Roseau

Françoise MathiauxLe Cadre un jour dit au Manager :
« Vous avez bien des raisons d’accuser notre Univers ;
Une Procédure pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre changement, qui d’aventure
Modifie notre manière de travailler,
Vous oblige à vous remettre en cause :
Cependant je considère que mon statut,
Non seulement fonde ma légitimité,
Mais me protège des évolutions.
Tout vous est Flexibilité, tout me semble Verticalité.
Encore si vous acceptiez de reconnaître le pouvoir
Dont notre titre nous investit,
Vous n’auriez pas tant de questions à vous poser :
Je vous indiquerais comment se faire respecter ;
Mais vous réfléchissez le plus souvent
Sur le sens des décisions et l’adhésion de vos équipes.
Votre comportement me semble bien inconfortable ».
« Votre compassion, lui répondit le Manager,
Part d’une louable intention ; mais quittez ce souci.
Les changements me sont moins qu’à vous redoutables.
Je m’adapte, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre les crises et tensions
Résisté sans remettre en cause votre approche ;
Mais attendons la suite ». Comme il disait ces mots,
Du bout du couloir du RRH accourt avec impertinence
La plus redoutée des générations
Que l’Entreprise eût intégrée jusque-là dans ses rangs.
Le Cadre tient bon ; le Manager plie.
Le nombre des Y s’accroît encore,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui dont la tête au Prestige était voisine,
Et qui négligeait de prendre pied sur le Terrain.

Pour ceux qui n’ont pas l’âme du poète aujourd’hui, toujours d’actualité : La mutation du chef 

Si ce n’est (encore lui) qui prend soin du Dirigeant ?

Celui qui ne se soucie pas de lui aura du mal à se soucier des autres - Michel Foucault

« Celui qui ne se soucie pas de lui aura du mal à se soucier des autres » – Michel Foucault

Droit dans ses baskets Armor-Lux, il donne le cap (savant mélange de rationalité et d’intuition), il tient le gouvernail contre vents et marées (quand la mer est d’huile, c’est qu’elle est frelatée), il prend et assume ses responsabilités (n’en déplaise aux aficionados d’ « on refait le match).

Il négocie à l’externe (souvent), il négocie à l’interne (encore plus souvent).

Il rassure, il motive, il encourage, il apporte la contradiction aux envieux ou les laisse déblatérer. Pour tenir la distance (elle est où la ligne d’arrivée Papa ?) il fanfaronne, il se dope à l’élixir du bon docteur Coué, il se relève sans jamais reconnaître être tombé.

La reconnaissance, il la cherchera parfois dans la course aux trophées de l’entreprise qui poussent en toute saison dans le cerveau fertile d’institutions évoluant à mille lieues (et lieux) de ses préoccupations quotidiennes.

La reconnaissance, il la trouve plus sûrement le matin dans le miroir de sa salle de bains et encore certains jours, il détourne le regard pour ne pas affronter cet inconnu aux yeux tristes et hagards qui le scrute.

Plus le doute et l’inquiétude l’envahissent, plus les drivers « sois-fort », « sois-parfait », « dépêche-toi », « fais-des-efforts », « fais-plaisir » se renforcent. Le mal-être du dirigeant s’infiltre sournoisement entre ses émotions profondes et l’image sociétale qu’il véhicule.

Une exploration minutieuse de tous les boutons qui agrémentent le tableau de bord de direction s’impose pour géolocaliser la touche « Pause ».

« Pause » non pas pour ne rien faire (tabou pétri de croyances et d’angoisses dans l’esprit du dirigeant) mais « Pause » pour poser le costume de superman.

Pause pour « pauser » dans la ronde des émotions, des doutes, des peurs. « Pauser » pour bâtir des options, pour évaluer les risques, pour challenger les projets, pour laisser s’exprimer ses désirs.

« Pauser » pour prendre soin de son estime-de-soi. « Pauser » pour se ressourcer en s’accordant la permission d’un temps de respiration, d’écoute, de réflexion, un temps de parler vrai.

Faut-il restaurer le management « carotte-bâton » ?

Françoise Mathiaux - Ressource et VousDans une époque (formidable) où chacun vante les mérites du management participatif, coopératif, collaboratif ; dans une ère (sans partition) où d’aucuns exhortent les managers à donner du sens au travail de leurs équipiers, pourquoi diable vouloir exhumer cette pratique autocratique d’un autre temps ?

Déjà un message perso pour rassurer ceux qui me connaissent bien, je n’ai pas pris froid, mes valeurs et convictions sont intactes. Si je m’interroge sur la réhabilitation du « management carotte-bâton » (sans la souhaiter) c’est parce que de jour en jour je constate les effets humainement désastreux de sa disparition ou plutôt du vide sidéral (et sidérant) qui l’a remplacé.

Avec la toute-puissance du pouvoir hiérarchique, le manager est légitime par son sacro-saint statut de Chef. Qu’il se nomme Pierre ou Jacques, quand le chef a dit, le subordonné exécute l’ordre, sans poser et sans se poser de questions existentielles. Bien sûr parfois dans un éclair de lucidité, le boss peut déplorer de ne diriger que des ânes (animal sympathique quoique rétif…) mais cet effet secondaire du management « carotte-bâton » se révèle être une contrepartie bien insignifiante au regard du confort octroyé par ce type de management.

Pourtant quand la bise de l’évolution des mentalités fut venue dans l’entreprise, le chef se trouva fort dépourvu : les vertus coercitives du bâton se sont étiolées et la carotte a subi une cure drastique d’amaigrissement. Afin de ne pas connaitre le sort funeste du fermier dans « La ferme des animaux d’Orwell », le chef s’est mû en manager. Il a remisé les vestiges tangibles du pouvoir hiérarchique au profit du sens, de la communication, du savoir-être (…).

Sauf que le changement de posture ne se limite pas à un simple changement de costume. Si le personnage n’évolue pas dans la représentation qu’il se fait de lui-même et de son rôle, l’habillage ne leurre personne, c’est un vulgaire travestissement.

En perte de repères, le manager s’accroche alors à des oripeaux. Il donne ordres, contre-ordres et sème le désordre. Fuyant dans un activisme forcené, il manipule, infantilise, porte aux nues pour mieux broyer.

La période des vœux approchant, que souhaiter aux managers ? … De travailler (et d’évoluer) dans une entreprise qui, sans nécessairement faire commerce avec la Chine, a intégré son proverbe « Le poisson pourrit toujours par la tête ».

Une entreprise qui, dès lors, ne se satisfaisant pas du paraître ; une entreprise qui est capable (au plus haut niveau de son management) de se remettre en cause dans ses croyances, dans ses pratiques ; une entreprise qui ne se contente pas de déposer au pied du sapin de la formation de toujours plus alléchantes boites à outils, censées évaluer, étalonner, booster la motivation de ses collaborateurs ; une entreprise qui offre à ses managers la possibilité de s’interroger sur leurs pratiques et leur donne la permission d’en expérimenter de nouvelles.

En réalité, une entreprise qui fait tout (simplement) confiance à l’intelligence de l’autre.

Accompagner les acteurs de l’entreprise sur leurs scénarios professionnels !