Bilan de compétences : Hasard ou frétillement ?

Sur ces dernières semaines, j’ai été sollicitée à plusieurs reprises pour réaliser des bilans de compétences.

Les salariés, qui sur ces deux années passées, ont dû adopter la posture du « dos rond », redresseraient-ils la tête ? Recroquevillés sur leurs postes pour affronter la tempête économique, éprouveraient-ils l’envie de redécouvrir le monde du travail au-delà de leur entreprise ? Hasard ou frétillement ? Je pencherai plutôt pour un fourmillement (salutaire) dans les têtes qui ne demande qu’à descendre dans les jambes.

Après avoir avalé quelques couleuvres (départs plus ou moins contraints de collègues, mise en place d’une nouvelle organisation, fin de non-recevoir aux aspirations salariales ou à l’accès à une autre fonction, soumission à un management directif et centralisateur….), le salarié, avec le retour du printemps, peut légitiment penser que l’herbe est plus verte ailleurs. Certains choisiront à la première occasion de claquer la porte de l’entreprise pour se venger de ces humiliations indigestes (il se trouvera toujours un collègue bienveillant pour les encourager à franchir le Rubicon même si la galère n’est pas la plus enviable des embarcations), d’autres prendront le temps de s’interroger. Cette phase de réflexion pourra (ou non) être réalisée dans le cadre d’un bilan de compétences. Ce formidable outil (remarque à l’intention des bricoleurs du dimanche : comme tout outil, il est formidable si l’on sait s’en servir et à bon escient) a pour vocation d’aider le salarié à structurer sa réflexion, à investiguer ses potentialités et celles du marché, à challenger les différences hypothèses qui s’offrent à lui. Nous pouvons regretter pourtant (utilisation du « nous » car j’espère ne pas être seule à partager ce point de vue…) que la mise en œuvre de ce dispositif s’apparente de plus en plus au dernier tour d’honneur d’une expérience qui s’achève dans l’entreprise. Soit le salarié s’engage à titre privé dans la démarche pour peaufiner (en sous-marin) son projet de départ, soit le bilan de compétences est déposé par l’employeur dans la corbeille du divorce pour adoucir la séparation. Pourtant à l’heure des doutes, (qui on s’en doute ne sont pas du meilleur effet sur le moral des troupes), les entreprises gagneraient à promouvoir le bilan de compétences auprès de leurs salariés pour leur permettre d’envisager (aussi) l’entreprise où ils travaillent comme un possible motivant de leur parcours professionnel à venir.

Doute et Humilité, qualités premières du décideur ?

Qu’est-ce qui rend une décision difficile à prendre si ce n’est cette petite voix qui marmonne (en montant plus ou moins dans les graves) qu’il ne s’agit (peut-être ?) pas de la « bonne décision ».

A tout problème, sa solution. Là, quelle chance, il y en a 2 !

Courir chez le premier libraire venu et investir 27 €uros dans un des multiples manuels vous promettant de devenir un « Manager d’excellence ». Vous découvrirez (si vous n’avez pas confondu avec le rayon « Cuisine », c’est vrai qu’il y a une ressemblance certaine dans ce foisonnement de recettes) que le doute est (sans aucun doute) banni du vocabulaire managérial. Ici, le manager est censé rassurer « ses troupes », représenté en capitaine de navire, sûr de son cap, bravant la tourmente, droit dans ses bottes. Ce manager, élevé aux biberons « Sois-fort », « Ne pleure pas », « Bats-toi », (j’en passe et des pas meilleurs) ne doute pas. Sacrilège ! Ce serait un signe de faiblesse, même si perfidement nous pouvons « douter » de la survivance de cette icône au regard des évolutions technologiques et sociétales…

La 2ème solution, celle qui a de loin ma préférence (Ah bon, vous aviez deviné ? Quelle perspicacité !!!) consiste, pour le manager, à s’accorder la permission de douter avec humilité.

Pourquoi ? « simplement » pour reconnaitre qu’il a besoin de rassembler un maximum d’informations (et tant qu’à faire de sources diverses pour échapper au ronron des courtisans) afin de prendre la « bonne » décision à l’instant T. La phase « avant-décision » est essentielle (sans pour autant être expert de l’analyse systémique) pour considérer, également, les répercussions probables de sa décision sur un système qui regroupe des organisations et des hommes.

Le décideur qui ne doute pas, c’est celui qui ne doute plus car plutôt que de court-circuiter les signaux d’alerte, il les observe, les analyse, les challenge, les intégre dans sa décision.

Francis Bacon s’est gentiment proposé de conclure ce billet … (c’est ce que l’on appelle « douter de rien ») : « Si on commence avec des certitudes, on finit avec des doutes. Si on commence avec des doutes, on finit avec des certitudes ».

Manager n’est pas harceler

La médiatisation du harcèlement moral et ses conséquences, toujours désastreuses tant pour la victime que pour l’organisation, a pour mérite d’attirer l’attention de l’opinion publique sur un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Il est évident que l’évolution des relations au travail génère un terreau favorable :

La vie sociale déserte les bureaux et ateliers, (Bienheureuse loi sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics qui favorise la collusion des fumeurs au bas de l’escalier)

Chacun pour soi (pendant que mon collègue est dans le collimateur, moi je n’y suis pas !) et même plus de Dieu pour tous, (le Saint Patron a dégringolé de son piédestal)

Dans la course à la productivité, les moments de convivialité sont rayés de la carte des ravitaillements (et pourtant, la performance se nourrit, aussi, de grandes tranches de rigolade).

La médiatisation est nécessaire à la prise de conscience individuelle et collective, car si nous fermons les yeux sur les dysfonctionnements de notre société (avec ou sans grand S) en déclamant « Abracadabra » 3 fois de suite (posologie actuellement en vigueur), nous ne serons pas résolutifs.

Toutefois, deux points méritent une attention particulière (la votre en particulier, très cher lecteur) :

Le harcèlement n’est pas l’apanage d’une catégorie d’entreprises. Qu’elles soient grandes ou petites, du secteur public ou privé, elles sont toutes susceptibles d’engendrer ce comportement.

Les managers (de bonne foi) sont dans une position délicate. Des salariés (j’ai dit « des » article indéfini, je n’ai pas écrit « tous ») peuvent invoquer le harcèlement à tort ou à travers comme moyen de pression.

Si le manager n’est pas au clair (de la Lune, je sais c’est facile) tant avec la définition du harcèlement moral (Article L. 1152-1 du Code du travail et évolutions successives de la jurisprudence de la Cour de Cassation) qu’avec la définition des bonnes pratiques managériales, il aura un réel souci de positionnement, in fine incompatible avec les attendus de l’entreprise.

Les qualités managériales de l’Autruche restant à démontrer, sortons la tête du sable !!!

Accompagner les acteurs de l’entreprise sur leurs scénarios professionnels !