Chagrin d’entreprise ?

–  « – Chaque salarié (élève) joue son instrument, ce n’est pas la peine d’aller contre. Le délicat, c’est de bien connaître nos musiciens et de trouver l’harmonie. Une bonne équipe (classe), ce n’est pas un régiment qui marche au pas, c’est un orchestre qui travaille la même symphonie. Et si vous avez hérité du petit triangle qui ne sait faire que ting ting, ou de la guimbarde qui ne fait que bloïng bloïng, le tout est qu’ils le fassent au bon moment, et qu’ils soient fiers de la qualité que leur contribution confère à l’ensemble. Comme le goût de l’harmonie les fait tous progresser, le petit triangle finira lui aussi par connaître la musique, peut-être pas aussi brillamment que le premier violon, mais il connaîtra la même musique.

Elle eut une moue fataliste :

–  Le problème, c’est qu’on veut leur faire croire à un monde où seuls comptent les premiers violons.

Un temps :

–  Et que certains collègues se prennent pour des Karajan qui supportent mal de diriger l’orphéon municipal. Ils rêvent tous du Philharmonique de Berlin, ça peut se comprendre… »

Veuillez excuser Monsieur Malaussène, pardon Monsieur Daniel Pennac, cet emprunt à votre très émouvant livre « Chagrin d’école ».

En vivant votre récit, je n’ai pu m’empêcher de penser qu’après l’école, l’entreprise produit aussi ses cancres quand le manager pointe ce qui ne va pas sans jamais adresser une parole ou un regard bienveillant à son collaborateur, « néglige » de reconnaître l’effort accompli, s’intéresse à ses « bons éléments » sans accorder aux « moins bons » le bénéfice de le devenir.

Quand le manager « ose l’individu », il se donne, lui aussi, les moyens de conjuguer, avec son équipe, le « présent d’incarnation ».

Chagrin d’école – Daniel Pennac (Gallimard)