Manager en transversal : Quelle chance !

Un titre provocateur pour une pratique qui se répand dans l’entreprise sans que l’acteur principal soit toujours convaincu de sa chance.

La chance n’est pas évidente à distinguer (et donc à saisir) pour le manager campé sur la question d’un autre temps : Comment atteindre les objectifs de la feuille de route quand je ne détiens pas les attributs du commandement ?

  • Bâton : Sanction directe (disciplinaire) ou insidieuse (placardisation)
  • Carotte : Evolution de la rémunération, de la carrière (…)
  • Bataillon : Equipe inféodée
  • Unicité du commandement : un seul chef sur le terrain des opérations

La chance du manager transversal réside dans sa capacité à développer une autre forme d’autorité : l’autorité naturelle.

« Naturelle » ne signifie pas que certains naissent avec (quoique) ou non. L’autorité émane du manager « naturellement », sans recours aux artifices du pouvoir hiérarchique. Sa vision, ses décisions font autorité.

A défaut d’avoir croisé à la naissance la bonne fée « Aptitudes au Management Transversal », comment notre manager peut-il cultiver son autorité naturelle ?

Le 1er élément de réponse est dans la question : il n’y a que le manager qui puisse développer son autorité naturelle. C’est essentiel de lui donner les clefs mais largement insuffisant s’il n’éprouve pas le besoin (et l’envie) de se servir du trousseau pour déverrouiller sa posture.

Le 2ème élément de réponse consiste à placer judicieusement dans le trousseau Michaël Apter.

En poussant les portes de la Théorie du Renversement, votre manager a l’opportunité de découvrir une nouvelle grille de lecture de la motivation pour explorer de nouvelles pistes :

  • Comment introduire le plaisir au travail pour susciter la créativité ?
  • Pourquoi ne pas transgresser certaines règles pour sortir des sentiers battus et autres routines ?
  • Quels bénéfices peut-on retirer en troquant le contrôle de l’information contre son partage ?
  • Comment ouvrir ses capteurs aux signaux émis par l’équipe ?
  • (…).

L’autorité hiérarchique confère à son détenteur « fermeté » voire « rigidité » (tout abus nuit gravement à la santé), le management transversal suppose « agilité », « flexibilité », « adaptabilité », autant de qualités que travaillent les danseurs : « L’homme n’est pas une statue, c’est un danseur » Michaël Apter.

Que fait Michaël Apter au milieu des poissons ?

Tout comme Ordralfabétix dans les aventures d’Astérix, je vous invite à prendre et reprendre du poisson. Et comme sur son étal, il est frais mon poisson, même très rafraichissant, sauf que vous trouverez « Fish » dans les étagères des librairies.

Fish est un récit imaginé à partir de l’expérience de vie que réinventent chaque jour les poissonniers de Pike Place à Seattle.

Les poissonniers de ce marché sont partis du constat que même s’ils n’avaient pas toujours le choix du métier qu’ils exercent, ils ont toujours le pouvoir de choisir comment l’exercer.

Forts de cette conviction, chaque jour ils mettent en œuvre leur stratégie :

Choisir son attitude : ils ont découvert qu’ils détenaient le pouvoir de décider de l’état d’esprit dans lequel ils abordent et vivent leur journée

Jouer : Même face à des tâches rébarbatives et peu valorisantes au regard des critères de Wall Street, ils travaillent en jouant (à moins qu’ils ne jouent en travaillant…). 2ème grande découverte à destination des engoncés : La qualité, la productivité, le professionnalisme, la performance individuelle et collective (liste non limitative) ne sont pas solubles dans la bonne humeur

Illuminer leur journée : Chacun va au devant de l’autre (client, collègues, équipiers…) pour partager avec lui énergie et bonne humeur

Etre présent : Chacun est disponible, attentif à l’autre, à ses besoins, à ses attentes. Pas question, (comme on peut le voir dans certaines fictions sans lien aucun avec une quelconque réalité d’entreprise car intégralement imaginées par un esprit fantaisiste) qu’un manager puisse avoir un entretien avec un collaborateur tout en répondant à ses mails et à son téléphone…

En lisant Fish, je me suis dit que Michaël Apter, créateur de la Théorie du renversement, doit faire souvent ses courses au marché de Pike Place.

Les poissonniers expérimentent tout au long de leur journée la palette des états motivationnels que nous offre Dame Nature (« Sérieux » quand à 5 heures du matin, il s’agit de décharger les camions et préparer les étals, « Maitrise » pour veiller à la qualité de l’approvisionnement…).

Ils puisent leur motivation en adoptant sciemment les états « Enjoué », « Sympathie » et « Orienté vers Autrui ». Ces enthousiastes poissonniers ont choisi de ne pas subir, car ils ont compris que « l’homme n’est pas une statue mais un danseur ».

Quand Apter s’invite dans le TGV

Ayant confié le soin à trois réveils, (programmés en série), de m’extraire des bras de Morphée, me voici de bonne humeur embarquée, dès potron-minet, dans un TGV à destination de la Capitale.

Plaisir de savourer une paire d’heures de sérénité, confortablement installée dans la divagation de mes pensées, bercée par la petite musique d’ambiance traditionnelle de cet horaire : le ronflement du cadre récupérant d’un week-end festif associé au bruissement de son collègue bataillant avec un dossier qui résiste vaillamment à sa compréhension.

Selon la Théorie du Renversement, ma motivation est polarisée sur l’état « Enjoué », je prends plaisir dans le présent, je profite du voyage.

Oui mais qui dit renversement, dit instabilité, changement. Démonstration vécue (ou plus justement subie). Quelques courtes minutes après notre départ, je bascule dans l’état motivationnel opposé, en l’occurrence le « Sérieux ». Je suis maintenant centrée sur le but, sur l’atteinte de l’objectif : l’abordage au plus vite de la Gare de Lyon.

Michael Apter a identifié 3 facteurs déclenchant le renversement :

  • La satiété. Vous avez fait le plein sur un pôle, vous basculez dans son opposé. Pour l’illustrer dans le binôme Enjoué / Sérieux, après avoir fait le plein de caféine, de radio-moquette et autres histoires drôles à la machine à café avec des collègues que vous appréciez, vous retournez à votre bureau mettre à jour l’incontournable tableau de bord du lundi matin. Là, le TGV étant peu éloigné de sa gare de départ, j’étais loin d’être repue…
  • La frustration. Vous avez conscience que le pôle utilisé ne vous donne pas satisfaction, vous basculez dans l’autre. Là encore, pas de frustration en vue, je déguste le moment présent.
  • Les contingences extérieures. Votre environnement, les circonstances vous précipitent dans l’état motivationnel opposé.

Alors là, comment elles se matérialisent ces contingences extérieures ? … Elles ont la tête de deux cadres, placés en face de moi dans le carré famille. L’un débonnairement joufflu, l’autre diamétralement racorni.

Au rythme acerbe du monologue de cet employé modèle (tout du moins dans son catalogue personnel), le TGV s’est mû en TGL, Train Grande Lenteur. Extrait du florilège égrené lèvres pincées, bras croisés, regard fixe : « Tu comprends, je lui impose un reporting toutes les semaines. Ca ne me sert à rien, j’ai accès directement à tous les chiffres (Respect, Monsieur est un homme de pouvoir), je sais que ça l’emmerde (il est de notoriété publique qu’em… un salarié est le plus sûr moyen de le motiver), c’est pour lui faire prendre conscience de la nécessité de faire un budget.» !!!

Eblouie par ce don de soi, par cet élan de générosité qui le porte à habiller chaudement toute l’entreprise, de l’informaticien au big boss, je ne parviens plus à basculer dans l’état enjoué. J’ai beau appeler Maxime Le Forestier à la rescousse « On choisit pas sa famille, on choisit pas non plus les passagers du carré famille du TGV…» je suis affligée par les propos de ce cadre, tout peine trentenaire, qui a laissé sur le quai (et pas seulement depuis qu’il est monté dans ce train) toute sympathie.

Arrivée Gare de Lyon, il y a urgence à développer un état d’esprit différent pour bien vivre cette journée d’intervention en clientèle. Après ces 117 minutes éprouvantes, 20 minutes de métro et de marche à pied pour évacuer et basculer de nouveau dans l’état « Enjoué ». Je secoue ma conscience : je vais à la rencontre de personnes agréables, qui mettent leur intelligence au service du développement de leur entreprise, qui favorisent les relations respectueuses et chaleureuses (Il y a même de ces spécimens dans le TGV, des fois…).  

… Tiens, il fait beau…

Accompagner les acteurs de l’entreprise sur leurs scénarios professionnels !