Manager avec proximité et distance

Quand je vous dis que la schizophrénie menace le management, en voici un bel exemple.

Sous nos contrées, n’en déplaise aux nostalgiques d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre, le salarié n’a plus grand-chose en commun avec son ancêtre « Bête de somme ».

Classiquement, la rémunération est la contrepartie financière du travail fourni dans le cadre du contrat passé entre un employeur et un employé. Sauf que sur chacun des plateaux de la balance de Roberval (comme quoi même en se prénommant « Personne », on peut passer à la postérité), chaque partie prenante a ajouté de nouveaux ingrédients. L’entreprise pimente son évaluation avec une dose (aussi scientifiquement précise que la pincée de sel en cuisine) d’implication et le collaborateur, quant à lui, attend (des fois c’est long !) des marques de reconnaissance.

Dans l’équilibrage de la balance, le manager est à la fois en charge d’évaluer l’implication et de prodiguer des « soins » de reconnaissance. Il se doit d’être proche de ses équipes, à l’écoute de leurs besoins, attentif au climat social, enfin bref une posture qui, dans un autre cadre, aurait pu s’appeler Humaine.

En revanche, le manager au top (ne pas confondre avec les top managers qui ne le sont pas toujours), garde la distance avec ses équipiers. Une saine distance (unité de mesure pifométrique) pour éviter d’être pris dans les sables mouvants du copinage. Les grilles de l’usine ou la porte en verre sécurit du bureau n’arrêtent les jeux de stratégie, la manipulation, l’irrationalité des sentiments.

Pour ne pas dilapider son crédit (qui ne relève pas de la catégorie revolving), le manager sera empathique mais pas trop, partagera des moments de convivialité avec ses collaborateurs mais pas trop, plaisantera avec eux mais pas trop (…).

Pour échapper à cette double contrainte « Proximité et Distance », le salut du manager passe par sa capacité à poser les limites.

Un exemple tiré du quotidien : Quoi de plus quotidien que le déjeuner. Imaginez le manager qui chaque jour déjeune avec ses collaborateurs. Les justifications (telle une armée romaine) font légion : personne ne rentre chez soi le midi, la pause est courte, c’est un moment d’échanges, de détente (…). Oui mais c’est aussi un espace-temps nécessaire à l’équipe pour se relâcher et se lâcher (aux dépens du collègue Tartempion, du chef Bidule ou de la dernière note de direction). Quand bien même le manager n’interviendrait pas pour alimenter les débats ou surenchérir, sa seule présence cautionne les propos tenus. Une fois sifflée la fin de la récréation, comment peut-il efficacement mobiliser son équipe sur l’application de cette nouvelle procédure passée dans les « fourchettes caudines » du déjeuner ?

Si le management était un métier facile, il y a longtemps que des écoles de management auraient vu le jour … 🙂

Manager, vous n’êtes pas un schizophrène en devenir (sauf exception). Proximité et Distance ne s’opposent pas. Soyez proche de vos équipiers, avant tout, pour eux. Gardez la distance, pour vous, pour vous protéger.

Affirmer son leadership …

… en observant nos hommes politiques

En pleine campagne (même si vous êtes un manager citadin), vous avez tout à apprendre de l’observation des politiques. Cet examen est ouvert à tous, il suffit d’avoir à portée de main un journal, ou d’oreilles une radio, ou d’yeux (valable, somme toute, pour les mécréants) une télévision.

A défaut de prendre votre pied dans cet exercice, veillez scrupuleusement à prendre l’exact contre-pied des phénomènes observés.

Pour entrainer votre équipe, vous savez où vous voulez aller, pourquoi, comment, sous quelle échéance. (Remarque à destination des gros sabots : La réponse au « Pourquoi ? » ne peut durablement reposer sur l’intérêt personnel du manager, quelle que soit l’épaisseur du rideau de fumée). Et cerise sur le gâteau (Bon anniversaire Stéphanie), vous avez placé chacun de vos collaborateurs en capacité de répondre eux aussi à ces mêmes questions.

Vous avez construit un projet (de société, d’entreprise, de service ou un projet client…), traduction de votre vision. Arrêtons-nous sur cette notion. La vision n’est pas réservée à l’opticien ou à l’astrologue (quoique certains aient vu juste), c’est la capacité d’un individu à capter des informations (à signal fort ou faible, mais toujours pertinentes), à les analyser et à les synthétiser pour forger sa conviction.

Présenter votre projet : Dresser un état des lieux objectif, clarifier les enjeux, relever les difficultés probables (l’autruche n’est pas encore en mesure de démontrer ses compétences managériales), insister sur les ressources dont vous disposez (chacun dans votre équipe), mobiliser sur ce que tous (et chacun) a à gagner.

Donner vie (et envie) à votre projet : chacune de vos décisions est reliée au projet. Ce n’est pas un empilage de « toujours plus »,  chaque objectif s’articule avec votre projet, vous lui donnez corps (et cœur) en mobilisant sur des valeurs fédératrices.

Moralité : Pour faire adhérer votre équipe (n’en déplaise aux fabricants de colles et glues), adoptez le portrait en creux du politique.

Manager : Oser oser

Le manager, laissé pour compte dans le processus de décision, vit chaque résolution comme un diktat. Au fur et à mesure que les commandements tombent, sa motivation s’effondre. La tentation du repli est grande.

Adoptant, plus que malgré lui une posture critique, il focalise au mieux sur l’inefficacité de la décision ou son aberration, au pire sur les deux.
Seul, il rumine en boucle les griefs accumulés. Bien remonté (ou soucieux de le rester), il n’a de cesse d’arpenter les couloirs pour conforter son jugement auprès de ses « bienveillants » collègues. Tel le hamster dans sa roue, il tourne en rond inexorablement, (bien qu’il ne tourne pas rond du tout…).

(Au temps où il n’était pas encore devenu un boulevard), Gambetta proclamait « se soumettre ou se démettre », c’est souvent la seule alternative que se donne notre manager dépité. Sauf qu’elle soit formelle ou non, ce n’est ni plus ni moins qu’une démission managériale.

Avant d’en arriver à cette extrémité (qui ne serait que l’apogée du gâchis), le manager peut aussi décider d’oser mobiliser son intelligence et son équipe pour oser reprendre l’initiative.

Le défi ? Etre force de propositions pour cultiver le champ de ses responsabilités (comme tout bon jardinier qui se respecte, ne pas oubliez de semer la patience avec les autres graines…).

A défaut des 10 commandements, voici les 3 « Comment » ?

1- Abandonnez le personnage du frondeur (qui s’exprime selon les jours et le niveau de gris de l’humeur par une montée dans les aigus ou par le silence assourdissant du « cause toujours tu m’intéresses ») pour vous associer, et donner envie de vous associer, aux projets et aux décisions

2- Cessez de demander la permission pour traiter les sujets qui relèvent de votre périmètre de responsabilités et de vos compétences (« la prudence est mère d’inertie », filiation non officialisée mais somme toute féconde) : Informez que vous faites, faites, et rendez des comptes

3- Encouragez votre équipe. Exprimez votre détermination à tout mettre en œuvre pour réussir cette nouvelle approche. Dites à vos collaborateurs à quel point ce positionnement est bénéfique pour vous, pour chacun d’entre eux, pour l’équipe que vous constituez, pour l’entreprise. Et surtout, prenez l’engagement, tous ensemble, de censurer les propos démobilisateurs des uns et des autres.

Quel est le risque encouru ?

Echouer ? Le temps accordé à la tentative sera toujours un répit dans cette situation peu glorieuse…

Réussir ? Personne ne pourra le déplorer, si ce n’est (ne soyons pas complétement crédules) quelques collègues addicts aux scénarios sanguinolents. Et vous ? Vous en sortirez grandi… (et allégé d’une grosse boule à l’estomac).

Précision sans rapport avec l’article (quoique 🙂) : Si vous souhaitez poster un commentaire, plus la peine de cliquer sur « Leave a comment », tout est en français …

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