La transgression bienveillante

Hommage à un représentant de l’Ordre Public rencontré il y a un mois et demi.

La forêt, repaire de la faune sauvage et des amoures clandestines, camoufle aussi une magnifique paire de jumelles. Bingo, des gendarmes, peu engagés dans la traditionnelle chasse aux œufs du lundi de Pâques, m’intiment l’ordre de faire escale auprès d’eux. La transgression a ses limites, j’obtempère.

Le chef se précipite (sans excès de vitesse) et me pose la question de circonstances :  « Vous savez pourquoi nous vous arrêtons ? ».

La date du jour me donne l’occasion d’adopter le registre de la sympathie : « Deux solutions, soit j’allais un PETIT PEU trop vite soit, comme nous sommes le 1er avril, c’est une blague».

La 1ère hypothèse ayant été retenue, le chef et moi conversons pendant que ses complices rédigent le procès-verbal.

Interrogatoire bienveillant sur mon activité, échanges autour du plaisir qui prime sur la recherche du profit (confirmé par le regard croisé que nous posons sur ma Lamborghini Modèle Clio Série 2005), mais aussi sur la difficulté, même en uniforme galonné, de manager aujourd’hui.

Hélas, la promptitude de ses collègues mit fin à nos batifolages. Sans rancune (jouer suppose d’accepter de perdre), je saluai tout l’équipage.

Hommage à vous brigadier pour cette transgression qui fait que la facture ne m’est pas parvenue. Hannah Arendt aurait été fière de vous, vous qui avait pris la liberté de transgresser la règle pour apporter une petite dose d’humanité (à 90€ et 2 points…).

Manager avec affect et Manager par l’affect

A la demande générale (ou tout du moins celle de Jules), je m’extirpe de la caverne où je me suis réfugiée ces dernières semaines pour écrire cet article sur la différence entre Manager avec affect et Manager par l’affect, dans le prolongement du post précédent : Management fusionnel.

Il faut dire que je n’éprouve aucune culpabilité à prendre quelques libertés avec les échéances professionnelles que j’ai à tenir car le client pour lequel mes nuits se confondent avec le jour (n’en déplaise à Platon) a marqué une forte réticence quand j’ai tenté de le convaincre (le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté) qu’un manager devait aimer ses équipiers.

Joli paradoxe de la langue française et de notre société où « Aimer ses collaborateurs » suscite une réaction de peur alors qu’ « Aimer le chocolat » suggère le plaisir (vous pouvez remplacer le chocolat par la soupe, ça fonctionne aussi).

L’Entreprise qui s’engage sur la voie de l’épanouissement professionnel, du bien-être au travail, de la motivation de ses salariés, est-elle tant éloignée de la définition de Leibniz : « Aimer, c’est se réjouir du bonheur d’autrui » ?

Quand un cadre manage avec affect, il intègre dans la mise en place de son organisation, dans le déploiement de ses objectifs, dans sa prise de décision, dans sa communication, dans sa posture, la dimension humaine.

Quand le cadre manage par l’affect, il donne à penser à ceux qui peuvent lui servir qu’il les aime, mais ce qu’il aime c’est exclusivement lui, son statut, ses prérogatives, son pouvoir.

Pour être un manager accompli, « Osez Aimer » vos équipiers.

Management fusionnel

Confrontée à plusieurs reprises en quelques semaines à une relation fusionnelle (pour les grivois, passez votre route, relation fusionnelle mais chaste !) entre des cadres et leurs managers (N-1), j’ai pu apprécier (sans apprécier) l’inconfort de ce lien.

Au premier plan, nous pouvons sans trop de difficultés, identifier le risque d’une dépendance affective qui entretient allègrement la confusion dangereusement manipulatoire entre « manager avec affect » « manager par l’affect » (Thème qui mériterait un post à lui tout seul).

En second lieu, il n’est point besoin d’être devin pour imager que le lien fusionnel puisse un jour se rompre. Terme d’une relation de l’excès, où l’émotivité et la subjectivité font office de sextant, la rupture connaîtra une probabilité proche de zéro pour se dérouler « en douceur ». Bien sûr, les « encore plus optimistes que moi » argueront de la chance qui peut être donnée à tout un chacun de se réconcilier, je ne le nie pas mais je reprendrai simplement l’image de la feuille froissée : Prenez une belle feuille blanche (relation fusionnelle, tout est lisse…), froissez-la pour obtenir une boule bien compacte (avec toute l’énergie et la hargne de la rupture) et maintenant décidez de restaurer le lien affectif, défroissez votre page (fer à vapeur chaudement déconseillé). Votre feuille blanche est-elle redevenue lisse ? Est-elle à nouveau immaculée ? Ah! Elle a des cicatrices ? Des déchirures ?

Le 3ème point dont j’ai pris conscience (mais peut-être l’avez-vous détecté depuis longtemps), c’est le piège dans lequel se trouvera, un jour ou l’autre, enfermé l’équipier « lambda ». Après avoir (peut-être) jalousé ce cercle dont il est exclu, il développera un fort sentiment d’impuissance quand confronté à une mésentente avec son manager, il ne pourra envisager (à tort ou à raison peu importe) de recourir à l’arbitrage de son N+2. Persuadé de n’avoir aucun recours, d’être pris en tenaille entre son N+1 et son N+2, sa rumination fertilisera sa perception d’être injustement traité. Et là, mesdames messieurs les managers, à défaut d’avoir (au pire) produit un fidèle ennemi vous aurez, au moins, perdu un allié …

Accompagner les acteurs de l’entreprise sur leurs scénarios professionnels !