L’entreprise serait-elle un marigot ?

Ressource et VousChacun son truc : Quand les transhumanistes misent sur la science et les biotechnologies pour garder le contact avec leur jeunesse, je préfère m‘adonner, entre deux interventions en entreprise, aux bains de jouvence en compagnie d’étudiants. Croyez-moi, ces immersions ne manquent pas de sel.

C’est en effet un privilège de pouvoir à la fois observer la vision des managers sur la jeune génération et étudier la vision des étudiants sur le monde du travail. Inutile de disposer d’un diplôme en ophtalmologie, le diagnostic est facile : les strabismes sont divergents (et le sel pique les yeux).

A la croisée des représentations surgit un marigot infesté de crocodiles relookés (avec talent) par les marchands de sourire :

  • Pour les managers : « les jeunes, des envahisseurs qui ne lèvent plus le petit doigt » (David Vincent réveille-toi)
  • Pour nos chères têtes blondes : « l’entreprise, un univers impitoyable » (JR sors de ce corps).

Loin de moi l’idée que la vie en entreprise pourrait être un long fleuve tranquille. Au cours de mes missions, j’embarque si souvent pour des eaux troubles que Candide n’est plus du voyage depuis longtemps. Pourtant ce que je sais, c’est que plus on aborde la relation de travail comme un rapport de forces, plus on crée les conditions de vie (façon de parler) du marigot.

De la défiance nait la défiance. De la défiance nait l’agressivité. De l’agressivité nait l’agressivité.

Pourtant, aussi impressionnantes soient les mâchoires du crocodile, aussi effrayants soient ses meuglements (registre de communication de prédilection du So-Rien), dans un écosystème, ce sont toujours les éléments les plus malins qui survivent aux plus imposants.

Etre malin, c’est quoi :

  • Assumer ses valeurs (aux 1ers signes de vacillement, effectuer un petit tour sur la terre ferme, les crocodiles y perdent de leur superbe)
  • Jouer à « Retors je te tiens par la barbichette », jeu qui consiste à imaginer et déjouer (sans être démasqué ni tomber dans la paranoïa) les coups bas et autres coups tordus que le crocodile pourrait vous porter

Le tout pour bénéficier de 72 000 heures de plaisir supplémentaires en donnant la chance à la convivialité de s’installer dans nos relations de travail.

Travaillez la confiance en soi, c’est si bon pour les autres…

Mathiaux - CoachEssentiellement envisagée comme un inventaire de bienfaits personnels (gestion du stress, affirmation de soi, leadership…), la confiance en soi est peu abordée sous l’angle de l’autre. Et pourtant…

Un manager qui a travaillé sa confiance en soi pour la canaliser (en s’efforçant d’oublier son mentor « Superman ») ou pour la renforcer (en se remémorant les vertus du « même pas mal ») est un manager qui laisse la place à l’expression de son équipier.

Bien que résolument optimiste, son humilité (réaliste) le porte à croire qu’il ne peut connaitre le résultat exact de ses décisions, de ses actions. En intégrant cette zone d’incertitude, elle est devenue un « no problem » car il a aussi dans son escarcelle la conviction de disposer des ressources nécessaires pour construire de nouvelles solutions, pour imager des portes de sortie, pour rebondir ailleurs (et peut-être mieux encore ).

Fort de sa confiance en soi, le manager (magnanime) n’a aucune difficulté à augmenter sa zone d’incertitude du résultat des actions qu’il confie à ses équipiers.

Si vous voulez déléguer en confiance, en premier lieu, faites-vous confiance

Stratégies de « Non-Décision »

Ressource et VousPlaie relayée par tous les ouvrages et autres formations sur le leadership, le Dirigeant est attendu sur sa capacité à décider.

Pour sereinement assumer votre rôle de décideur sans avoir à décider, voici quelques techniques glanées sur le terrain des opérations (Au cas où, lire la note en fin d’article …)

Un fâcheux vous soumet une problématique :

1- Ecoutez-le longuement (temps) puis informez-le que vous êtes attendu à une réunion (inutile de préciser « importante réunion » avec votre statut, c’est tellement évident) et surtout, qu’au vu du vif intérêt que vous portez au sujet (intrus compris), il ne serait pas raisonnable de traiter ce problème entre deux portes. Qu’il n’hésite pas, s’il le souhaite, à se rapprocher de votre assistante pour planifier un rendez-vous.

La chance que vous avez offerte au fâcheux de s’exprimer et le temps que vous lui avez consenti suffiront, pour certains, à clôturer le débat, sinon rendez-vous à l’étape 2.

2- Au cours d’un entretien judicieusement calé aux extrémités de votre agenda surchargé, demandez-lui de vous résumer sa demande (le temps a passé et s’il pouvait encore passer avant que vous n’ayez à prendre une décision…).

Ecoutez-le avec attention (temps). Par souci de bonne compréhension, posez-lui toutes les questions d’éclaircissement qui traversent votre fulgurant esprit analytique (temps). Pour élever le débat (et tenter de rehausser le niveau de réflexion de l’intrus), n’hésitez pas à illustrer vos propos de savantes élucubrations (temps).

Si malgré tous vos efforts, vous sentez que l’importun n’a pas renoncé à vous pousser à la décision, demandez-lui, avec un vrai grand sourire d’encouragement, de vous rédiger une note, détaillée, argumentée et plus même sans affinités.

Avec cette technique, le pourcentage d’élimination des fâcheux n’a rien à envier à la grippe espagnole, mais si (avec ou sans ballon rond) par un malheureux hasard votre fâcheux se découvrait des talents rédactionnels, revenez aux basiques de l’étape 3.

3- Tactiques usuelles de digression à votre portée (ou sur commande auprès de nos services si vous êtes à court d’imagination) : sa note s’est noyée dans le flot de vos mails (évitez de suggérer qu’elle se puisse s’être égarée parmi vos indésirables), demandez des compléments, des précisions, exigez une nouvelle note qui prenne en compte un nouvel élément sorti du chapeau (en même temps que le lapin, ça c’est pour Elodie), fixez de nouveaux rendez-vous sur votre agenda édité par la « Maison Calendes Grecques »…

Dans certains cas extrêmes (pour ne pas dire extrémistes), il arrive que sournoisement le fâcheux fédère d’autres fâcheux (ils doivent émettre des phéromones déviantes pour se reconnaître).

Laissez le lait sur le feu, faites-le mousser sans débordement (sauf si vous souhaitez que votre DRH s’épanouisse dans un projet personnel).

Si l’anti-monte-lait tambourine trop fortement, passez à l’étape 4.

4- Éteignez-le feu en décrétant que vous avez pris La Décision… La Décision de réaliser un diagnostic.

La situation étant complexe, les enjeux importants, étant vous-même un homme du consensus, demandez à votre Codir d’en rédiger le cahier des charges (puissance 10 sur l’échelle temps sans compter le compte épargne-temps dont vous disposez si vous relevez du Code des Marchés Publics…)

De réunions en réunions, choisissez le consultant, le périmètre et le planning d’intervention (Ah c’est ballot, déjà les congés d’été)

Choix du consultant : Choisir un intervenant qui aura à cœur de vous faire plaisir, en contrepartie de quoi, vous l’assurerez (en toute intégrité bien sûr) de durer (en jargon professionnel : récurrence de facturation)

Si malgré toutes les précautions prises, ce satané consultant venait à préconiser des décisions que vous n’avez aucune envie de prendre (le changement c’est comme le cancer, c’est pour les autres), montrez à quel point la pertinence de ses recommandations vous enthousiasme. Multipliez les réunions de restitution (temps) et autres engagements d’action … avec pour échéance salvatrice les prochains congés estivaux (Ah c’est vraiment ballot).

Les vacances, les sujets chauds de la rentrée, le temps s’étant (malheureusement) écoulé modifiant la donne de départ, rapprochez-vous (en tout bien tout honneur) de Pénélope. Sortez votre métier à tisser l’action de « non-décision » : Relancez un nouveau diagnostic avec un nouveau consultant…. Vous savez maintenant comment le choisir !

Note de l’auteur : Dans la lignée de la pensée de Pierre Desproges « On peut rire de tout mais pas avec tout le monde», cet article s’adresse exclusivement aux lecteurs adeptes de la dérision et de l’auto-dérision 🙂

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