Faut-il restaurer le management « carotte-bâton » ?

Françoise Mathiaux - Ressource et VousDans une époque (formidable) où chacun vante les mérites du management participatif, coopératif, collaboratif ; dans une ère (sans partition) où d’aucuns exhortent les managers à donner du sens au travail de leurs équipiers, pourquoi diable vouloir exhumer cette pratique autocratique d’un autre temps ?

Déjà un message perso pour rassurer ceux qui me connaissent bien, je n’ai pas pris froid, mes valeurs et convictions sont intactes. Si je m’interroge sur la réhabilitation du « management carotte-bâton » (sans la souhaiter) c’est parce que de jour en jour je constate les effets humainement désastreux de sa disparition ou plutôt du vide sidéral (et sidérant) qui l’a remplacé.

Avec la toute-puissance du pouvoir hiérarchique, le manager est légitime par son sacro-saint statut de Chef. Qu’il se nomme Pierre ou Jacques, quand le chef a dit, le subordonné exécute l’ordre, sans poser et sans se poser de questions existentielles. Bien sûr parfois dans un éclair de lucidité, le boss peut déplorer de ne diriger que des ânes (animal sympathique quoique rétif…) mais cet effet secondaire du management « carotte-bâton » se révèle être une contrepartie bien insignifiante au regard du confort octroyé par ce type de management.

Pourtant quand la bise de l’évolution des mentalités fut venue dans l’entreprise, le chef se trouva fort dépourvu : les vertus coercitives du bâton se sont étiolées et la carotte a subi une cure drastique d’amaigrissement. Afin de ne pas connaitre le sort funeste du fermier dans « La ferme des animaux d’Orwell », le chef s’est mû en manager. Il a remisé les vestiges tangibles du pouvoir hiérarchique au profit du sens, de la communication, du savoir-être (…).

Sauf que le changement de posture ne se limite pas à un simple changement de costume. Si le personnage n’évolue pas dans la représentation qu’il se fait de lui-même et de son rôle, l’habillage ne leurre personne, c’est un vulgaire travestissement.

En perte de repères, le manager s’accroche alors à des oripeaux. Il donne ordres, contre-ordres et sème le désordre. Fuyant dans un activisme forcené, il manipule, infantilise, porte aux nues pour mieux broyer.

La période des vœux approchant, que souhaiter aux managers ? … De travailler (et d’évoluer) dans une entreprise qui, sans nécessairement faire commerce avec la Chine, a intégré son proverbe « Le poisson pourrit toujours par la tête ».

Une entreprise qui, dès lors, ne se satisfaisant pas du paraître ; une entreprise qui est capable (au plus haut niveau de son management) de se remettre en cause dans ses croyances, dans ses pratiques ; une entreprise qui ne se contente pas de déposer au pied du sapin de la formation de toujours plus alléchantes boites à outils, censées évaluer, étalonner, booster la motivation de ses collaborateurs ; une entreprise qui offre à ses managers la possibilité de s’interroger sur leurs pratiques et leur donne la permission d’en expérimenter de nouvelles.

En réalité, une entreprise qui fait tout (simplement) confiance à l’intelligence de l’autre.

De la Smartitude de l’objectif

Gabs

Peu souvent élégant, encore moins raffiné, l’objectif Smart :

S : Spécifique et concret

: Mesurable pour en contrôler l’avancement

A : Ambitieux, stimulant sans être décourageant

R : Réaliste au regard des ressources affectées

T : Temporel, disposant d’une date butoir

trône dans l’entreprise.

Mais trôner n’est pas régner.

Laissez-moi vous conter les (més)aventures d’une responsable commerciale. Je la rencontrai au lendemain de la fixation par (et avec) son manager de ses objectifs annuels. Indice favorable, elle avait le sourire.

  « Alors ces objectifs ? »

« A la hausse bien sûr par rapport à l’an dernier » (le toujours plus est une constante intégrée à défaut d’être acceptée) mais tout reste jouable compte tenu de … ».

Je vous passe les stratégies et actions qu’elle avait déjà échafaudées. Je l’abandonnai à la compagnie de ses deux amis « enthousiasme » et « conviction », amis précieux dans l’entreprise de réussite.

Quelques semaines plus tard, le sourire fait place à un large rire quand je prends des nouvelles de l’avancement des travaux :

« Le siège (ou trône) a réajusté mes objectifs… il les a multiplié par 3 ». Éclat de rire.

« Tu vas faire quoi ? »

« Rien, c’est tellement irréalisable ». Nouvel éclat de rire.

Trio de conclusions poison :

L’irréalisme de l’objectif porte à rire

Le rire transgresse le pouvoir

Le pouvoir et la motivation sombrent sous les coups de l’objectif illégitime.

Et la performance de l’entreprise dans tout ça ?

Déceler la motivation en entretien de recrutement, et après ?

Françoise MathiauxTout recruteur, quel que soit le poste proposé, recherche Le Candidat Motivé. De l’autre côté du bureau, le prétendant, modelé par le battage médiatique autour de l’accès à l’emploi, sait (sans forcément savoir comment) qu’il doit le convaincre de sa motivation.

Grand alchimiste, le recruteur incorpore dans l’entretien (le pluriel serait plus proche de la réalité des entreprises qui réinventent le miracle de la multiplication) : questionnement, observation, vérification, recoupement, test, feeling, présupposés, croyances pour élaborer le filtre de motivation.

Au final, (c’est souvent une lutte pour vaincre la peur de décider…), par conviction ou faute de mieux, le candidat est adoubé Nouvel Entrant.

Tout aussi pertinent que soit le recruteur dans le processus de sélection, tout aussi honnête que soit le postulant dans ses réponses, la motivation exprimée par le candidat ne l’est jamais qu’à l’aune de l’idée qu’il s’est construite de l’entreprise, du poste, de ses missions et responsabilités, de l’ambiance de travail, de ses perspectives (…).

Alors, comment dans les phases d’intégration et de consolidation, l’entreprise transforme-t-elle l’idée en vécu ?

L’entreprise qui réussit ce challenge sait que la motivation est un élément universel, présent dans le patrimoine de chaque individu. Elle dispose de leviers pour la stimuler mais humble, elle sait aussi que les stimuli ne doivent leur efficacité qu’à la rencontre du besoin du collaborateur.

En adoptant cet angle de vue, la question n’est plus de savoir si le collaborateur est ou non motivé, mais par quoi. L’étendue des besoins (de chacun et du collectif de travail), leur nature, leur intensité ayant la constance de l’inconstance, la question se pose sans modération

Accompagner les acteurs de l’entreprise sur leurs scénarios professionnels !